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chez poupoulh5n1
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31 octobre 2009

La fille du Grand Serpent

Aux temps premiers, il n’y avait pas de nuit sur terre. La nuit dormait au fond des eaux. Et sut terre, il faisait toujours clair.Il n’y avait pas non plus d’animaux sauvages. Tous les êtres vivants parlaient. Ils s’entendaient bien. Ils se mariaient entre eux.C’est ainsi qu’un jeune homme épousa la fille du Grand Serpent, maître des eaux. Il l’emmena chez lui, sur terre. Ils voyagèrent longtemps à travers la grande forêt. Lorsqu’ils arrivèrent à sa paillote, ses serviteurs avaient couvert le hamac de fleurs.

Le jeune homme dit à la fille du Grand Serpent :

- Viens dormir. Tu dois être fatiguée. Nous avons beaucoup voyagé.

- Mais il fait encore jour ! dit elle. Moi, je ne dors que la nuit !

- Il n’y a pas de nuit sur terre. Il fait toujours jour, ici, expliqua le jeune homme.

- Alors, fais chercher la nuit chez mon père, car je ne peux dormir le jour ! dit la fille du Grand Serpent.

Le jeune homme appella ses trois seviteurs. Il leur dit :

- Prenez ma barque et remontez le fleuve. Allez chez mon beau-père, le Grand Serpent, et demandez-lui la nuit.

Et comme les serviteurs s’étonnaient de cette demande, car ils ne savaaient ce qu’ils

devaient chercher, la fille du Grand Serpent ajoutas :

- Mon père scellera la nuit dans deux coquilles de noix de palmier. C’est une noix que vous m’apporterez.

Les trois serviteurs remontèrent le fleuve. Ils ramèrent longtemps. Ils arrivèrent à la demeure du Grand Serpent, au font de la forêt, à la naissance du fleuve. Le Grand Serpent les écouta attentivement, puis il leur donna une coquilles de noix. Ne l’ouvrez pas en route ! Sinon, toute chose se perdra. Sinon, toute chose s’égarera. Les trois serviteurs prirent la noix de palmier er redescendirent le fleuve. Dans le courant, la barque filait comme une flèche. Les deux serviteurs qui ramaient d’habitude n’avaient rien à faire ; seul le timonier travaillait, guettant les branches et les racines flottantes. Les deux rameurs se mirent à observer la noix. Il en venait un petit bruit, ten ten chiii, ten ten chiii… C’étaient les voix des crapauds-buffles, des grenouilles et des grillons qui chantent dans la nuit, mais les serviteurs ne pouvait le savoir.

- Quel bruit est-ce ? demanda le premier.

- Ouvrons la noix pour voir, dit le deuxième.

Mais le timonier se fâcha :

- Navez-vous pas entendu les paroles du Grand Serpent ? Voulez-vous nous égarer dans la forêt ? Allez, ramez !

Les autres obéirent en maugréant. La barque glissait sur les eaux. Ils descendaient le fleuve qui allait s’élargissant. Les arbres sur les rives couraient en sens contraire, en devenant de plus en plus lointains, de plus en plus petits. A la fin, ils n’entendait que le clapotis de la barque dans l’eau glauque, et le petit bruit s’échappant de la noix mystérieuse : ten ten chiii, ten ten chiii …

- Nous voilà au milieu du fleuve. Les rivages ont disparu. Personne ne eput nous voir, dit un des rameurs.

- Et nous sommes loin, très loin du Grand Serpent. Il ne peut nous entendre, dit l’autre.

- Mais si vous ouvrez la noix, cela se verra à l’arrivée, dit le timonier.

- Si nous la brisons ; mais si nous faisons fondre la poix qui en colle les deux moitiés, juste pour y jeter un coupp d’œil, et la recollons aussitôt, perssone n’en saura rien, dit le premier.

- Nous n’avons qu’à la tenir au-dessus de notre panier à feu, dit le deuxième.

Car en ces temps-là, comme encore aujourd’hui, on n’allait pas entreprendre un grand voyage sans emmener quelques braises vivantes dans un grand panier rembourré d’argile. A l’interieur de la noix cela chatait toujours : ten ten chii, ten ten chii …

- Allons-y, alors, di le timonier.

Ils se réunirent au milieu de la barque, autour du panier à feu. Ils le découvrirent et y soufflèrent, en tenant la noix au-dessus des braises rougeoyantes. La poix collant les deux moitiés de la noix se ramollit. Ils ouvrirent la noix. Et toute la terre fut plongée dans l’obscurité grouillante de sortilèges. Dans les ténèbres qui s’étaient répandues sur toutes choses, les êtres s’égaraient. Ils ne savaient plus qui ils étaient. Celuis que la nuit avait surpris cueillant des fruits sur un arbre devint oiseau, celui qui nageait devint poisson, celui qui se trouvait seul sur sa barque devint canard… en l’observant bien, on distingue encore les rames dans ses palmes et la barque dans la forme de son corps… Et, dans leur paillotes au hamac fleuri, la fille du Grand Serpent dit à son mari :

- Tes serviteurs ont désobéi. Ils ont lâché la nuit sur la terre. Maintenant, nous devons guetter l’étoile du matin afin de séparer le jour de la nuit.

Ils attendirent longtemps, très longtemps. Cette première nuit semblait ne pas vouloir finir. Et pendant tout ce temps, ceux qu’elle avait supris dans la forêt se métamorphosaient et perdaient la parole. Enfin l’étoieldu Matin se leva. Dans sa lumière tremblante, la fille du Grand Serpent enroula un fil autour de son petit doigt et en fit un oiseau. Elle peignit sa tête avec de la terre blanche et ses pieds avec de l’ouroucou et lui dit :

- A tout jamais tu chanteras à l’aube, afin que la terre sache que la nuit va finir.

Et jusqu’à ce jour, le cujubi à la crête blanche et aux pattes rouges annonce l’aube dans la fôret amazonienne. Puis la fille du Grand Serpent enroula un autre fil autour de son petit doigt, le saupoudra des cendres du foyer, et il devint le gris inhambù , qui égrène les derniers moments de la nuit. Et lorsque l’inhambù et le cujubi eurent fini leur chanson, le soleil se leva sur le fleuve, et l’on vit arriver une barque avec trois être bizarres, poilus à la bouche noire de poix : dans la nuit qu’ils avaent laissé s’échapper de sa coquille, les trois serviteurs étaient devenus des singes.

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